
SOCIETE
Le Télégraphe : témoin de la transition culturelle et politique louisianaise
Fondé en décembre 1803, juste après la cession de la Louisiane aux États-Unis, Le Télégraphe incarne une presse en mutation.
PAR JC JABOUIN - ASTEUR.LA, SAMEDI 4 OCTOBRE 2025

Crédit : Image travail personnel
Le Télégraphe : Chronologie d’un journal pionnier
Fondé en décembre 1803, juste après la cession de la Louisiane aux États-Unis, Le Télégraphe incarne une presse en mutation. Son nom évolue au fil des années : Le Télégraphe, et le commercial advertiser (1803–1804), puis Le Télégraphe, et le commercial advertiser & New-Orleans price current (1804–1807), enfin Le Télégraphe et le Général Advertiser (1807–1810). Publié trois fois par semaine, il adopte très tôt un format bilingue français-anglais, reflet d’une ville où cohabitent Créoles francophones et nouveaux arrivants anglophones. Ce choix éditorial, loin d’être anecdotique, témoigne d’une volonté de médiation culturelle dans une Nouvelle-Orléans en pleine recomposition. Le Télégraphe se distingue ainsi comme l’un des premiers journaux à articuler les deux langues dans un même espace typographique, anticipant les tensions et les dialogues qui marqueront l’histoire louisianaise. Il devient rapidement un repère pour une population en quête de repères dans un contexte politique bouleversé.
Une presse née dans la tourmente : l’après-Vente de la Louisiane
La naissance du Télégraphe coïncide avec un tournant historique : la Vente de la Louisiane par Napoléon Ier aux États-Unis en 1803. Ce journal surgit dans une période de bascule, où les Créoles francophones doivent composer avec une nouvelle administration, une nouvelle langue dominante, et une nouvelle vision du territoire. Il succède au Moniteur de la Louisiane (1794–1815), premier journal de la colonie, et précède d’autres titres emblématiques comme Le Courrier de la Louisiane ou L’Abeille. Cette effervescence éditoriale témoigne d’une vitalité francophone remarquable, bien plus affirmée qu’au Québec à la même époque. Le Télégraphe ne se contente pas d’informer : il devient un outil de résistance culturelle, un espace de négociation identitaire. Dans ses colonnes, la Louisiane francophone débat, s’adapte, et affirme sa présence. Ce journal incarne ainsi un moment rare où la presse devient le miroir d’une société en recomposition, entre héritage colonial et avenir américain.
Beleurgey, Renard et l’héritage caribéen du Télégraphe
Derrière Le Télégraphe, on retrouve les noms de Beleurgey et Renard, imprimeurs réfugiés de Saint-Domingue. Fuyant la Révolution haïtienne, ces intellectuels francophones trouvent en Louisiane un terreau fertile pour relancer une presse en français. Leur influence est décisive : comme Louis Duclot, fondateur du Moniteur, ils apportent savoir-faire, réseaux et une conscience aiguë des enjeux politiques et commerciaux. Le contenu du journal reflète cette double origine : annonces portuaires, prix du marché, nouvelles des Caraïbes et d’Europe, mais aussi débats sur la place des Créoles dans la nouvelle Union. Le Télégraphe devient ainsi un carrefour d’informations locales et internationales, un outil commercial autant qu’un espace politique. Son bilinguisme n’est pas une concession, mais une stratégie : parler aux deux mondes, relier les deux cultures. Ce journal, né d’un exil et d’une cession, incarne une presse de transition, lucide et inventive, au cœur de l’histoire francophone américaine.
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