
SOCIETE
L’Ami des Lois : un journal entre ferveur révolutionnaire et ordre esclavagiste
Fondé en 1809 à La Nouvelle-Orléans, L’Ami des Lois s’inscrit dans le bouillonnement politique et démographique de la Louisiane postcoloniale.
PAR JC JABOUIN - ASTEUR.LA, SAMEDI 18 OCTOBRE 2025
Crédit : Image travail personnel
Naissance d’un journal dans une Louisiane en recomposition
Fondé en 1809 à La Nouvelle-Orléans, L’Ami des Lois s’inscrit dans le bouillonnement politique et démographique de la Louisiane postcoloniale. L’arrivée massive de réfugiés français de Saint-Domingue, fuyant la révolution haïtienne, transforme la ville en carrefour d’exilés, de commerçants et d’idéologues. Dans ce contexte, le journal devient l’un des premiers organes de presse francophones de la région, aux côtés de La Lanterne magique et La Trompette. Il se veut à la fois tribune politique, relais d’annonces commerciales et miroir d’une société en recomposition. Sa création témoigne de la vitalité intellectuelle des milieux francophones, mais aussi de leur insertion dans un ordre social profondément inégalitaire, marqué par l’esclavage et les tensions coloniales.
Leclerc, révolutionnaire en exil et contradictions éditoriales
À la tête du journal, Jean Théophile Victoire Leclerc, ancien Enragé de la Révolution française et époux de Pauline Léon, incarne une figure singulière de l’exil politique. Réfugié à La Nouvelle-Orléans en 1809, il imprime, rédige et dirige L’Ami des Lois avec une ferveur militante. Le journal relaie les luttes indépendantistes en Amérique espagnole, publie la proclamation des représentants de la Floride occidentale (1810), et suit de près les campagnes de Bolívar. Pourtant, cette radicalité politique ne s’étend pas à la question de l’esclavage : L’Ami des Lois publie régulièrement des annonces de vente d’esclaves, sans adopter de posture abolitionniste. Cette contradiction illustre les limites d’un engagement révolutionnaire transplanté dans un contexte colonial esclavagiste, et peut-être, une nécessité économique pour la survie du journal.
Déclin, héritage et ambivalence d’une presse francophone
Vers 1820, Leclerc cède le journal à un Américain nommé M’Karaher, comme il l’annonce dans ses propres colonnes. Il meurt peu après, dans la pauvreté, sans que la date exacte de sa disparition soit connue. Le journal, quant à lui, poursuit son existence sous une forme plus modérée, mais son rôle pionnier dans la presse louisianaise reste incontestable. Les archives disponibles, bien que partielles (à partir de 1816), permettent d’entrevoir la richesse et les tensions de cette publication. L’Ami des Lois incarne ainsi l’ambivalence d’une presse francophone tiraillée entre idéaux révolutionnaires et réalités locales. Il demeure un jalon essentiel pour comprendre la complexité politique, linguistique et sociale de la Louisiane du XIXe siècle.
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